Mais où se cachent les vins bios de Bordeaux ?

Le “bio” devient incontournable : peu importe la thématique (légumes, viandes, boulangerie, cosmétique, …), le bio a envahi notre environnement et on ne se pose plus la question de savoir si tel article dispose de son pendant “bio”. Le vin fait partie du lot, tous les pays et toutes les régions offrent des productions “respectant la nature” (concernant la définition du terme “bio” en œnologie, je rédigerai un article distinct car le mot, on s’en doute, est galvaudé et dispose de nuances qui ont leur importance).

Toutes les régions ? Certaines sont pionnières, d’autres suiveuses, et l’une ou l’autre semble réfractaire. Un exemple ? Bordeaux … J’ai discuté dernièrement avec quelques acteurs de la place, gravitant dans les sphères des Grands Crus. D’un côté, il y a le discours officiel qui ne veut pas rester à la traîne, qui veut être dans le coup et qui vous prétend que tel grand château dispose d’une quantité appréciable de raisins bios (on parle donc bien ici de la culture “bio” du raisin : la transformation de ce raisin en vin, à l’intérieur des chais, est et reste technique et industrielle, bien loin de la philosophie “bio”). Ensuite il y a la réalité du terrain : le bordelais, tout comme la Bourgogne et la Champagne, sont les plus gros consommateurs de produits phytosanitaires en France. Un viticulteur de Sauternes, face à ces constats, me rétorque qu’ils ne peuvent prendre de risques car derrière chaque domaine de renom il y a des employés et des investissements. Il a juste oublié de mentionner les actionnaires. Un autre m’a prétendu que le climat bordelais était compliqué et nécessitait l’utilisation de fongicides et insecticides. Bien sûr, mais alors pourquoi le Val de Loire est-il meilleur élève dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires ? Résultat des courses : malgré les beaux discours, il est pratiquement impossible de trouver un Grand Cru qui met en avant le côté “bio” de ses vins.

Car au fond, il est là le problème : on a l’impression que le bordelais n’ose pas, que le poids de l’industrie est prépondérant, ou peut-être que, tout simplement, le “bio” n’est pas le bienvenu. Et c’est en lisant le dernier numéro de la Revue du Vin de France (n° 615) que cette impression s’est imposée à moi : en page 15, l’auteur de l’article “Les crus vegans, lubie écologiste ou coup marketing ?” tire à boulets rouges sur ces vignerons végans qui veulent “coller à la tendance” … Loin de moi l’idée d’adhérer au véganisme, néanmoins on ne peut s’empêcher de sentir le poids des traditions et la rigidité aristocratique de cette Revue du Vin de France qui encense les Grands Crus et laisse au second plan les vins bios ou assimilés. Je me mets à la place des acteurs de Bordeaux : pourquoi se mettre à dos la RVF en prônant la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, alors qu’aucune locomotive locale n’est prête à franchir le pas et à oser le dire ?

Le chemin est encore long … “Demain” peut-être …